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 Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910

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jean-jacques PETIT
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jean-jacques PETIT


Localisation : Saint Pierre du Mont, 40280 Landes

Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910 Empty
MessageSujet: Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910   Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910 EmptyVen 20 Déc - 19:45

Cette année 1910 allait être une année aéronautique folle : l’aviation devenait sportive, essentiellement masculine car c’était le moyen, pour les jeunes hommes (fortunés et audacieux) de montrer leurs capacités au public qui aimait ceux qui savaient prendre des risques. Car l’aviation, en ces temps-là, était risquée… D’un autre côté, l’implication militaire dans l’essor de l’aviation allait devenir officiel et non plus « discret ».
Cet engouement du public amena une floraison de manifestations aériennes dans les semaines et mois à venir ainsi qu’une présence aéronautique dans la vie française, des plus présente…

Le premier brevet de pilote d'aéroplane.
Les activités des écoles Farman, Antoinette, Voisin à Reims, Wright et Blériot à Pau, conduisirent l'Aéro-club de France à créer le premier brevet d'aéroplane. Ce brevet entra en application le 1er janvier 1910. Ses conditions d'obtention étaient relativement basiques mais la nécessité s’imposait depuis quelques mois et les règles de ce brevet émanaient de la Fédération Aéronautique Internationale.
L'aéro-club de France délivrait donc un brevet de pilote-aviateur à tout aviateur français ayant accom-pli les performances suivantes, conformément au règlement de la Fédération aéronautique internationale : trois circuits fermés, sans contact avec le sol, d'au moins cinq kilomètres chacun. L'aviateur sera obligé d'atterrir et d'arrêter son moteur après chaque circuit, de façon que l'atterrissage et l'arrêt se fassent à une distance de moins de 150 m d'un point dési-gné à l'avance par le postulant.
Toutefois, seize pilotes confirmés par leurs performances passées se trouvaient exemptés de ce bre-vet et, parmi cette première promotion figuraient les deux maîtres "ès pilotage" de Châlons : Henry Farman et Hubert Latham.
 
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L’apprentissage d'un aspirant-pilote.
La formation des aviateurs militaires devait beaucoup au pragmatisme des moniteurs et à la dextérité des candidats. Le lieutenant Rémy, frais émoulu de l'école du Génie, élabora un rudiment de programme pédagogique relatif à l'instruction des élèves sur biplan Henry Farman. Il en fallait bien un qui y pensa.
"La bonne position de l'aéroplane est déterminée par la position du gouvernail de profondeur avant par rapport à l'horizon. L'élève doit maintenir cette position pendant les premières leçons contrôlées par l'instructeur. Puis il rétablit l'équilibre latéral au moyen du "manche à ba-lai, lorsque le gouvernail avant n'est plus parallèle à l'horizon ; l'élève est alors prêt à faire des virages.
L'instructeur lui enseigne ensuite comment on quitte le sol et comment on atterrit, en fui don-nant pro-gressivement le levier de commande.
Jusqu'ici, l'élève n'a pas encore touché au palonnier ; il doit alors voler seul sur l'appareil, faire des exercices pour apprendre à s'en servir en roulant sur le sol à petite, puis à plus grande vitesse, en se servant de la manette de gaz du moteur.
Avant d'abandonner l'élève qui est prêt à voler seul, l'instructeur doit le prendre une dernière fois avec lui, pour contrôler si ses manœuvres sont correctes."
Cette formation pratique se complétait d'une série de cours techniques sur la cellule et le mo-teur de l'aéroplane.
 
Le brevet et… après le brevet
Brevet en main, le fraîchement-breveté-pilote militaire  se voyait ensuite affecté à un centre militaire où il apprenait tout seul l'art du vol car, comme pour le permis de conduire que nous connaissons tous, l’obtention du brevet ne signifiait pas « détenir la science infuse ».
Si la chance avait volé à ses côtés, lui évitant de ne pas se tuer ou s'estropier, l'officier pilote passait son brevet supérieur. Ce dernier consistait tout d’abord à réussir un vol d'au moins une heure au-dessus d'un aérodrome puis descendre de 500 mètres de hauteur à partir d'un point désigné à l'avance et d’atterrir à moins de 200 mètres de ce point.
Cette épreuve préalable se poursuivait avec trois épreuves d'un parcours de 150 kilomètres minimum, au-dessus de la campagne, à effectuer à une altitude de 700 mètres au moins.
Pour prétendre à percevoir l'indemnité de 300 francs par mois, les pilotes militaires devaient recommencer les épreuves du brevet supérieur tous les six mois. Cela donnait le caractère sérieux au pilotage, à l’époque trop souvent considéré comme un sport de détente.
 
Au début de l'aviation militaire, le choix des pilotes se situait principalement parmi les officiers du génie. Volontaire, on devenait presque automatiquement d'aérostier, aviateur et l’affaire semblait entendue. Les quelques officiers recrutés dans les autres armes, l'étaient soit par pur hasard ou soit à de puissantes protections. Le fameux « piston »…
L'officier qui sortait d'un corps de troupe pour devenir aviateur était d'abord affecté à un corps de son arme « pour ordre » et « au titre de l'aviation » puis, son brevet militaire en poche, il passait « hors cadre au titre de l'aviation»  et se voyait affecté « à la suite » du 1er régiment du génie. Pourquoi du génie ? On ne le sut jamais et on ne put se l'expliquer car, quand l’administration œuvre, même Dieu y perd son latin !
 
Le 7 janvier 1910, Latham, décidemment abonné aux records du monde de hauteur, atteignait 1 000 mètres au-dessus de Mourmelon.
Le capitaine Morot et le lieutenant Camerman, élèves du Génie, arrivaient au camp de Châlons le 9 janvier 1910. Les capitaines Madiot, Marconnet et le lieutenant Sido, recrutés par l'Artillerie, les rejoignirent à la fin du mois pour y suivre l’instruction à l'école Farman à Vincennes. La société Antoinette accueillait, elle, les lieutenants Jost et Clavenad.
Chez les militaires, l'absence de doctrine d'emploi (la chose était nouvelle et inconnue) posait d'énormes problèmes pratiques : la conséquence de la délégation de la gestion des aéroplanes attribuée au Génie faisait que l’on ne savait que faire de cette patate chaude !
 
Le 12 janvier 1910, à Los Angeles, le Français Pauhlan ravissait à Latham le record du monde de hauteur en atteignant 1 269 mètres. Il était ainsi plus près des anges au-dessus de la cité dédiée (humour douteux)
Le 15 janvier 1910, 8 officiers se présentaient à Vincennes et se voyaient répartis de la manière suivante dans les écoles: 4 chez Henri Farman, 2 chez Antoinette et 2 chez Blériot (le lieutenant Acqua-viva et le capitaine Marie). Aucun ne se porta volontaire pour les Wright excepté le capitaine Etévé... mais ça n’était que momentané.
Le 10 février 1910, l'Armée prenait en compte son premier aéroplane, au camp de Satory, près de Versailles : un biplan Wright. L'aviation militaire entrait dans l’histoire. Clément Ader donna le nom de « avion » à cette première machine militaire. Les machines civiles s’appelèrent « aéroplanes ».
 
Lorsque Wright reçut ses avions peu après que Blériot eut reçu les siens, à Pau, cette photo put être réalisée pour la postérité. 
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Parallèlement à ces affaires militaires, les manifestations aériennes voyaient le jour à Héliopolis du 6 au 13 février. C’était l’Aéro-Club d’Égypte qui organisait la manip’, avec le concours de l’Aéro-Club de France, désormais incontournable, assisté de la Compagnie Aérienne qui apportait son concours quant à l’organisation pratique.
Il y eut 12 concurrents inscrits… mais un de ceux-ci cassa du bois (comme on disait à l’époque) et assista aux concours à partir de son lit d’hôpital. Les concurrents disposaient d’une à plusieurs machines volantes chacun (type Curtiss, Farman, Voisin, Antoinette etc.) et l’on vit apparaître les noms de ceux qui allaient inscrire leur patronyme, plus ou moins longtemps, sur les affiches et dans la presse destinées au public : de Riemsdyck, (Raymonde) de Laroche, Métrot, Rougier, Gobron, Latham, Hauvette-Michelin, Balsan, Le Blon, Grade etc. toutes nationalités confondues. Des prix en numéraires récompensaient les plus hauts, les plus rapides, les plus loins… Ces espèces sonnantes et trébuchantes amenaient du nerf de la guerre dans le développement de ce sport nouveau qui allait rapidement permettre à une industrie aéronautique, digne de ce nom, de naître.
A Auvours, le capitaine Lucas-Gérardville monta un Wright dès février 1910 mais fut jugé trop vieux pour poursuivre l’apprentissage.
 
Finalement, les tergiversations du Génie débouchèrent, le 26 février 1910, sur la décision du général Brun de confier la direction de l'aéronautique au chef d'état-major général. Pour l'assister, ce dernier disposait d’une commission composée du chef du bureau des opérations militaires, d'officiers des directions de l'artillerie et du génie et d'officiers plus compétents en termes d'aviation, des consultants dirait-on aujourd’hui. Les choses commençaient à se décan-ter et à prendre forme…
 
Succès et limites d'une politique de mixité.
L'instruction des premiers élèves pilotes militaires fit rapidement apparaître les premières difficultés. A l'insuffisance des appareils-écoles, aux mauvaises conditions atmosphériques s’ajoutaient les « coup de mou » mécaniques et humains.
Afin de « motiver les troupes », Farman fit preuve d'une remarquable efficacité : il dirigea lui-même les séances d'initiation et forma le lieutenant Camerman en moins de deux mois. Cet élève modèle obtint avec succès son examen de passage le 8 mars et devenait le premier officier breveté mais la veille, un bémol survint démontrant que le côté humain avait aussi ses limites, plus subtiles ; lors d'une collision au sol le 7 mars, le capitaine Morot, moralement touché, renonça à poursuivre son ap-prentissage et quitta l'école Farman la semaine suivante. Il était peut-être le premier, mais sûrement pas le dernier…
La société Antoinette se montra moins expéditive (plus sérieuse ?), les lieutenants Jost et Clavenad se voyaient brevetés par l'Aéroclub de France qu'au cours de l'automne.
La raison de ce différent bilan concernant les deux sociétés rémoises se trouvait en partie dans la divergence fondamentale concernant la conception de leurs appareils d'école, surtout au niveau des gouvernes. En effet, le biplan Farman se pilotait au moyen d'un levier unique actionné par le moniteur ou l’élève. Ce "manche à balai" commandait à la fois le gouvernail de profondeur et les ailerons. Il permettait au pilote de corriger d'un geste l'assiette de son appareil en inclinant le manche dans la direction à prendre.
En revanche, sur l’Antoinette, un double système de gouvernes de profondeur et gauchissement, actionné par des volants (ou manches selon les appareils) permettaient de diriger l’appareil. Moins groupées (l’ergonomie déjà en question !), ces commandes s'avèrent peu fiables : on poussait le premier levier vers l'avant pour cabrer, on écarte le second à droite pour virer à gauche. Créateur de ce procédé, le capitaine « pionnier » Ferber, défendra longtemps ce principe qui contrariait de toute évidence les réactions instinctives de l'apprenti pilote.
A ces différences de conception technique, la dispersion géographique des centres de formation des pilotes militaires n’arrangeait pas les choses. En cette année 1910, le camp de Châlons accueillait la majeure partie des candidats mais de nouvelles sociétés vinrent rapidement proposer leurs services au Ministère de la Guerre : écoles Savary à Chartres, Maurice Farman à Buc, Sommer dans les Ardennes... Cette dispersion des écoles amena un « bug » inévitable : le manque de cohésion par manque de programme unique. Ainsi, un pilote de monoplan Antoinette, ne pouvait immédiatement prendre en main un aéroplane de type Farman ou Blériot sans subir une reconversion préalable. Il devenait évident qu’il fallait changer de mé-thode…
Le général Roques, très certainement bien conseillé, étudia le principe d'un regroupement des services de l'Armée pour l'acquisition de son parc aéronautique et l’organisation de l’Aéronautique Militaire. Ca allait enfin dans le bon sens!
 
À cette dispersion, s'ajoutaient d’autre part les soucis quant au « nerf de la guerre ». Chaque société civile recevait la somme forfaitaire de 2 500 francs de la part de la Direction de l'Artillerie pour l'instruction d'un candidat pilote. A ce prix, la "clientèle militaire" se trouvait en situation de « parent pauvre » face aux riches oisifs français ou étrangers qui faisaient parler les portefeuilles garnis pour obtenir les services de moniteurs et mécaniciens. Face à ces ar-guments, la "Grande Muette" était démunie.
 
L’aviation civile et militaire prennent leur essor…
Au début du siècle, l'initiation au vol des riches amateurs occupait sans contestation le plus rémunéra-teur des secteurs d'activité où oeuvraient les sociétés civiles d'aviation. Toutefois, l’indéniable moteur de la création qu’était le tempérament pionnier des constructeurs, utilisait la manne financière dans le domaine de la recherche aéronautique.
Ainsi, le Lieutenant Clavenad expérimenta à Châlons, cette année, dans un but pédagogique,  un instrument permettait à l'élève la conservation de l'équilibre. Cette section de cellule montée sur pivot constituait probablement l'ancêtre des simulateurs de vol. Mais l'aviation rémoise orienta l’essentiel de ses recherches dans le domaine de la vitesse comme le faisait le domaine automobile.
 
La baronne de Laroche en Habit de Lumière semble bien pensive... peut-être au fait qu'il fau-dra attendre presque 100 ans pour les femmes pilotes atteignet une certaine "normalité" dans le monde aéronautique en dépit des nombreux exploits qu'elles réalisèrent entre-temps.
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Le 10 février 1910, l'Armée prenait en compte son premier aéroplane, un biplan Wright, au camp de Satory, près de Versailles. Dans les écoles, la vie suivait son cours et Féquant se voyait breveté sur Henry Farman à Mourmelon et le commandant Clolus, sur Antoinette suivaient en avril. En mai, le lieutenant Sido et le lieutenant Bier obtenaient le sacrement à leur tour. Le capitaine Bellenger avait commencé son entraînement sur Blériot en mars,
Les premiers brevets de pilote d’aéroplane sont délivrés le 8 mars 1910 à la baronne de Laroche (la Baronne Raymonde de Laroche avait été formée par la discrète société Voisin) et au Lt Camerman. Le lieutenant Félix Camerman devenait le premier pilote militaire mondial à recevoir le brevet de l’Aéro-Club de France (n°33), seul brevet existant au monde pour les Français et étrangers. A la même époque, les autorités décidaient que le brevet de pilote type « Artillerie » serait également celui du Génie.
Le lieutenant Camerman n'est breveté que depuis peu lorsque le général Roques, directeur du Génie et le général Joffre, alors inspecteur permanent des écoles le convoquèrent. Ce dernier donnait le feu vert à Camerman pour former 6 pilotes en 6 mois, avec l’appui matériel de l’Armée. Le général Roques le nomma chef de l'école d'aviation du camp de Châlons.
Au terme de cette « entrevue », l'emploi du temps du lieutenant se trouva copieusement garni pour les six mois à venir. Sa mission était simple pour les chefs : durant cette période, Camerman devait mettre sur pied une école d'aviation dotée de moniteurs et de matériel militai-res et former une douzaine de pilotes nouveaux.
Par ailleurs, face à la différence de prix d’achat des avions par le Génie et l’Artillerie ainsi que leur li-vraison par les mêmes constructeurs, le Sénateur Reymond (qui s ‘était intéressé à la création de l’Aéronautique Militaire) demanda au ministre de la Guerre, en mars 1910, d’organiser un seul service aéronautique autonome. Lors d'une intervention devant le Sénat, le 31 mars 1910, le ministre de la Guerre confirmait cette orientation politique reposant sur deux séries de mesures :
- la mise sur pied d'écoles militaires d'aviation
- l'unification, en fonction d'impératifs militaires,  des types  d'appareils  acquis  par l'Armée.
Les choses allaient donc bon train…
 
Le 28 mars 1910, Henri Fabre retrouve son hydravion qu’il a construit depuis trois ans basés sur divers travaux dont celui de l’Anglais Ramus, pasteur anglican qui avait inventé le redan, artifice qui permettait de déjauger un corps de l’eau sans difficultés. L’aéroplane était alors en place à l’embouchure de la Mède, donnant sur l’étang de Berre, tout près de Martigues. Les 450 kilogrammes de l’hydravion, maintenu à flot par trois flotteurs. A 10 heures 10, Fabre met les gaz et son « Canard » s’élance. Après quelques distances, le pilote (enfin, si l’on veut car il n’a jamais piloté avant ce jour !) se met face au vent… quasiment inexistant ce matin-là. Cette fois, les gaz étaient mis en grand et la machine s’envolait, tenait l’air 500 mètres, à envi-ron 5 mètres de la surface de l’eau puis revenait se poser sans incident ! Il ne laissera pas re-froidir et effectuera très rapidement trois autres vols dont un à plus de 800 mètres.
Les acolytes de Fabre (les frères Seguin, amis et constructeurs du moteur Gnome 50 ch. du Canard) vont chercher un huissier à Martigues ainsi qu’un témoin et ceux-ci trouvés, ils assistent et enregistrent les observations concernant deux autres vols l’après-midi, tout aussi impeccables que le matin. Il revolait le lendemain et se posait au milieu du port de Martigues mettant tout le monde devant le fait accompli.
 
La folie des meetings s'installe...
Une grande semaine de l’aviation se déroula à Cannes du 29 au 31 mars, sous l’égide de l’Ariel (so-ciété de Sports aéronautiques) et du Comité d’Aviation de Cannes, épaulés, bien sûr, de l’Aéro-Club de France. Une fois encore, les concurrents disputaient les épreuves à bord de biplans Voisin, Farman, Wright et Curtiss ainsi que de monoplans Antoinette et Blériot.
Simultanément, une manifestation se déroulait à Florence (Italie) du 28 mars au 7 avril avec cinq concurrents dont un seul sur monoplan. Il fallait bien choisir une manifestation !
 
Dans la première quinzaine d’avril 1910, deux hangars Bessonneau étaient livrés à Châlons avec une équipe de monteurs. Les deux avions Henri Farman, commandés par le Génie, arri-vèrent dans la fou-lée. Des mécanos de valeur, affectés ainsi qu’un atelier vînrent compléter le tableau. Huit élèves se présentèrent ensuite et tous allaient être brevetés en août suivant. Le camp de Châlons devait expérimenter l'exécution de ce nouveau programme « cohérent ».
La plateforme de Châlons était désignée pour expérimenter cette première école et les travaux d'installation étaient menés à grand train en moins d'un mois. Le 26 avril, lorsque les huit premiers officiers y commencèrent leur instruction, le centre d'aviation du Génie disposait de deux hangars mobiles Bessonneau abritant chacun un biplan Henry Farman, un atelier de ré-paration comprenant dix mécaniciens, le tout placé sous les ordres du capitaine Saconney. L'école propre à l'Artillerie (également à Châlons, dépendait de l'établissement de Vincennes) étant dirigée par le capitaine Madiot.
 
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Dans le courant du mois d’avril, Dubonnet décollait de Juvisy et, à 50 mètres du hauteur, remontait les
Champs Elysées puis se posait à Bagatelle renouvelant ainsi le précédent vol du Comte de Lambert.
 
À Châlons, en dépit de cette installation expérimentale, l’école allait produire onze pilotes avant la fin de l'année. Entre temps, le commandant Etienne, responsable de l'Établissement d'Aviation de Vincennes, se déplaçait à Châlons « pour voir ». Puis ses services prospectèrent à la recherche d’un terrain afin d'y établir une antenne des locaux situés à la Maison Blanche, près de Vincennes. Commandés à Henry Farman par la Direction de l'Artillerie, les trois biplans y étaient ensuite réceptionnés et la formation des élèves-pilotes sélectionnés par l'Artillerie débuta sans attendre.
 
Par ailleurs, les manifestations aériennes se poursuivaient en avril avec le meeting de Nice se déroulant du 10 au 25. Biplans et monoplans se partageaient la vedette et le public commen-çait à les connaître: biplans Voisin, Farman, Wright et monoplans Antoinette, Blériot et Grade. Les concurrents montraient de nouvelles têtes, d’autres disparaissaient dans des accidents mortels. Les pionniers payaient le prix fort.
Le prix du Daily Mail (trajet Londres-Manchester) prenait la suite les 27 et 28 avril où seulement deux concurrents se retrouvaient en lice, tous deux sur Henri Farman : était imposé un parcours de 300 kilomètres, en 24 heures, avec pas plus de deux escales. Louis Paulhan était le concurrent français et Graham White, le concurrent britannique. Ce dernier dut se poser trois fois : il avait perdu ! En deux étapes, le français avait parcouru la distance en 4 heures de temps réel. Il empocha les 250 000 francs, belle somme pour l’époque.
La folie aéronautique se poursuivait avec la semaine de l’aviation, à Tours, du 30 avril au 5 mai sous la présidence du baron de Saussay qui choisit le terrain de Saint- Avertin pour accueillir la manifestation que comptaient animer 16 concurrents. Quatre ne purent participer pour des raisons mécaniques ou autres, dont le capitaine Burgeat, arrivé trop tard. Probable-ment un problème de permission donnée tardivement.
 
Côté manifestations, on pliait d’un côté pour remonter de l’autre : Lyon tenait sa semaine de l’aviation du lundi 7 au dimanche 15 mai avec les biplans Farman, Sommer et Voisin ainsi que les monoplans Antoinette, Blériot et Jap. Le mauvais temps mettait tout le monde d’accord le second jour : deux pilotes quittaient ainsi la manifestation contre leur gré : Latham se vit plaqué au sol par le vent et se retrouva sans une égratignure au milieu de son Antoinette fracassée. Legagneux fit voler Mme Herriot qui devenait alors la première aviatrice lyonnaise… après avoir atterrit, sans le vouloir, dans un champ labouré, heureusement sans casse !
C’était à cette époque que Clément Ader donna le nom d’« avion » à la première machine militaire. Les machines civiles s’appelèrent « aéroplanes ». Le 19 mai 1910, les deux premiers centres d'instruction étaient officiellement présentés au général Brun, ministre de la Guerre : il fallait bien un commencement à ce qui allait donner les futures écoles de l'air et ces établissements constituaient désormais une première étape sur la route de l'autonomie de l’Aéronautique Militaire.
 
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Le général Brun, ministre de la guerre et le général Roques, inspecteur permanent de l'Aéronautique, prenaient leur baptême de l'air le 19 mai avec le lieutenant Féquant. La liste des brevetés s'allongeait inexorablement. Ce même mois, en effet, le capitaine Marconnet, sur Henry Farman, et le lieutenant de Caumont, sur Voisin, obtenaient leur brevet. En juin, le capitaine Burgeat et le lieutenant Chary débutaient leur apprentissage sur Antoinette.
A l’issue des stages d'une durée variable selon les aptitudes des candidats... et du bon vouloir de la météo, l’Aéro-Club de France délivra neufs brevets au cours des premier et deuxième trimestres de 1910 pendant que la cantatrice Lucienne Bréval poursuivait des représentations à succès, Monna Vanna entre autres. Elle avait le bonheur, si l’on peut dire, d’être la maî-tresse de Léon Daudet, le fils d’Alphonse écrivain (lui aussi) très productif à l’époque. Cette année-là, 1910, il rééditera son roman "les deux étreintes"…
 
Le vendredi 20, la semaine du concours de l’aviation débutait à Vérone et prenait fin le 30 mai. Cette manifestation s’annonçait comme le premier meeting aérien international italien. Toutefois, peu de participants et le mauvais temps plombèrent la manifestation. Les concurrents ne pouvaient être partout à la fois, les « locaux » ne pouvant assurer le spectacle à eux seuls…
 
En juin, le capitaine Burgeat et le lieutenant Chary débutaient sur Antoinette alors que le meeting d’Angers se déroulait du 3 au 6 juin 1910 avec 10 concurrents volants sur biplans Farman et Sommer ainsi que monoplan Blériot.
Deux jours auparavant, le 5 juin, un grand meeting international débutait à Budapest et prenait fin le vendredi 17 (prolongation de quarante huit heures) avec la participation d’une vingtaine de concurrents dont la Baronne Raymonde de Laroche. Les aéroplanes, maintenant bien connu du public, étaient des biplans Henri Farman, Sanchez-Beza, Sommer, Szekely, Voisin et Wright. Les monoplans étaient connus pour la plupart : Antoinette, Etrich II, Horvath, Hanriot et Pischoff. La manifestation se déroula le premier jour avec la présence de l’Archiduc Joseph et de l’Archiduchesse Augusta, ce qui amenait une solennité bienvenue.
 
La liste des premiers pilotes militaires brevetés montrait les pilotes suivants:
-biplan Henri Farman: Lt Félix Camerman, Slt Albert Féquant, Lt Sido, Cne Marconnet, Cne Louis Madiot
- monoplan Blériot Lt Bellenger, Lt Acquaviva, Cne Marie
- monoplan Antoinette : Lt Clavenad, Lt Jost
- biplan Wright : Cne Albert Etévé
autres :
Lt Vuillerme, Lt de Caumont, Adj Victor Ménard, Cne Ferdinand Ferber
Les pilotes officiers volaient sans équipements spéciaux, uniquement vêtus de leurs uniformes qu’ils « adaptaient »… en retournait le képi, la visière sur la nuque ! La tunique et képi noirs, col rouge, montrait ceux de ceux de l’artillerie, les képis rouges, ceux de l’infanterie, les cols blancs ceux des dragons, tunique et képi azurs, ceux des chasseurs à cheval, le tout agrémenté de bandes molletières ou bottes selon l’arme. Certains revêtaient un blouson de cuir ou un chandail sous la tunique et… les moustachus avaient attaché celles-ci avec un élastique pas-sant derrière les oreilles.
 
Ci-dessous, le Farman n°30, aux mains de Farman. Sans revenir en arrière, mais avec l'ULM, nous n'avons rien inventé!
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En 1910, les officiers du génie n'étaient plus suffisamment en nombre parmi les aérostiers pour satisfaire la quantité de pilotes réclamée par le ministre de la guerre. Ce dernier fit alors circuler des listes d'inscription pour les volontaires dans les corps de toutes les armes. Il fallut être inscrit, autant que posséder des références de base (connaissances du moteur, aptitudes physiques spéciales, brevet d'automobiliste, etc.) correctes.
 
Cette année 1910 verra aussi publier les dessins coquins se René Giffrey mais avait débuté avec des illustrations très classiques pour les livres d’histoire de France. Ses travaux seront essentiellement centrés sur les affiches de music-hall et autres cabarets, ceux qui font la renommée du Grand-Paris !
 
Suite à la recommandation du sénateur Reymond, le Sénat vota massivement pour un service aéronautique autonome le 7 juin 1910. Le général Brun décida alors de placer l’Établissement de Vincennes sous le commandement du Génie (Gal Roques). Les Artilleurs de Vincennes accueillirent froidement cette nouvelle et le Cdt Etienne entreprit alors des actions médiatiques pour attirer l’attention sur le savoir- faire de son Établissement. Ainsi, un record de distance Châlons- Vincennes (145 km, 2h20 de vol) était battu par l’équipage Slt Féquant/ Cne Marconnet, le 9 juin 1910. Ce vol était effectué en « biplace » sur un avion monoplace, mais les militaires avaient la peau dure ! Marconnet, pourtant inconfortablement installé, prendra des clichés avec son appareil photo personnel et l’avion revenait se poser à Vincennes, plus léger des 70 kilos d’essence brûlées pendant ces deux heures et quelques…
Beau joueur, le général Brun félicita l’équipage à son arrivée et les proposa pour la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur, tant on sait que les militaires apprécient les médailles. Ça calma les esprits… momentanément. Ces records de distance et de vitesse bien établis, les militaires homologuaient ainsi leur première performance annonciatrice de bien d’autres...
 
La course au record du monde de hauteur revenait désormais, le 14 juin 1910, à l’américain Brookins, qui atteignait 1 335 mètres au-dessus d’Indianapolis. De leur côté, les civils s’affairaient à montrer leur savoir-faire avec les toujours- nombreux meetings. Celui de juin se déroula du dimanche 19 au dimanche 26, à Rouen, avec 5 biplans et 6 monoplans. Le mauvais temps fit chuter Léon Bathiat devant le public : il sortit des débris de son Breguet avec quelques égratignures à la stupéfaction du public qui s’attendait, comme toujours, au pire !
 
Quand on parle de l'Antoinette, on a l'impression de parler d'une fragile demoiselle... on n'est pas loin de la vérité! Latham pilote cette chose menue lors du meeting de Rouen en juin 1910.
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Le 7 juillet 1910, Latham, certainement vexé, remettait la main sur le record du monde de hauteur avec 1 384 mètres atteints au-dessus de Reims. Na ! Mais il se faisait battre le même jour par le belge Olieslaegers qui survolait Bruxelles à… 1 720 mètres. Sûrement un courant ascendant au-dessus d’une friteuse (humour déplacé)… et l’américain Brookins se dépêchait de remettre les choses dans l’ordre le 10 juillet 1910, en atteignant  1 900 mètres au-dessus d’Atlantic City : non mais… Et le même jour, Léon Morane atteignait 100 kilomètres à l’heure en aéroplane.
 
Les manifestations aéronautiques se poursuivirent à l’arrivée de l’été comme celle de Reims qui se déroula du dimanche 3 au dimanche 10 juillet. Encore une fois, les avions participants étaient les mêmes avec quasiment les mêmes pilotes, connus du grand public, soit un peu plus de 50 partici-pants. On pouvait y trouver le Lt Camerman (sur le Savary n° 44), le Cne Etévé (sur le Wright X-4) et le Lt Acquaviva (sur le Wright X-1), preuve que les militaires s’intéressaient de près aux performances des avions. Cela leur permettait aussi de discuter le coup avec les autres pilotes et de comparer les performances des avions entre eux. Le vendredi 8, Raymonde de Laroche se crashait en Voisin (n° 59) et s’en sortait avec quelques os bri-sés. Le lendemain 9, les Lt Camerman et Féquant arrivaient sur zone par voie aérienne.
Les aviateurs sportifs ne se reposaient pas et le lundi 11 juillet débutait le meeting international de Bornemouth, de l’autre côté de la Manche. En fait, le meeting avait débuté la veille mais avec la seule présentation au sol car les Britanniques ne volaient pas le dimanche ! Si quelques pilotes venaient de Reims, la plupart étaient du crû. Le meeting prenait fin le 16 juillet puis celui de Bruxelles- Stockel enchaînait quelques jours plus tard, le samedi 23, en présence de la famille royale, ce qui assurait l’intérêt du public. La plupart des participants étaient du pays. Cette manifestation prit fin le dimanche 4 août, le mauvais temps ayant toute-fois contrarié quelques jours la manifestation... L’accident de Nicholas Kinet endeuilla cette fête aéronautique.
 
Herbster succéda à Farman à la tête de l’école de pilotage de Bouy en juillet 1910, école créée l’année précédente par Henry Farman et pour laquelle il avait reçu 1 000 francs du prix de formation des pilotes décerné par la Ligue Nationale Aérienne.
Simultanément, du mercredi 27 juillet au 2 août, se déroulait à Caen la grande semaine de l’aviation suivie de celle de Blackpool (Royaume-Uni) du jeudi 28 juillet au 20 août : c’était vraiment la folie de l’air ! En Écosse, le meeting de Lanark se déroula du 6 au 13 août avec une majorité de pilotes bri-tanniques mais aussi quelques français et un américain.
 
Le fameux record de hauteur, visiblement cible privilégiée des aviateurs, tombait dans la poche de l’écossais  Drexel lorsqu’il atteignit  2 043 mètres au-dessus de Lanark, le 11 août 1910.
Presqu’en même temps les aéroplanes sillonnaient « le circuit de l’Est » français du 7 au 17 août. Ce circuit imposait le trajet Paris-Troyes-Nancy-Douai-Amiens-Paris et était organisé par le journal Le Matin. En sus des civils (Leblanc, Émile Aubrun…), huit militaires se trouvaient  inscrits parmi les concurrents:
-Henri Farman : lieutenants Félix Camerman, Albert Féquant, Georges Mailfert, Marcel Sido
-Sommer : Lt Jacques de Caumont
-Wright (modifié) : Lt René Chevreau
-Antoinette : Lt Jules Cronier
-Blériot XI : Lt Paul Acquaviva.
Les aviateurs sortent de cette compétition avec quelques prix et… des médailles ! Le général Maunoury, comme passager, y vola jusqu'à la frontière, démontrant ainsi, au plus haut niveau, l’intérêt de l’armée envers les aéroplanes.
 
Une nouvelle semaine de l’aviation se déroula à Nantes du 14 au 21 août où le public répondit présent en nombre, preuve du succès de ce genre de manifestation. Il en fut de même lors du meeting de Viry, en Haute-Savoie, du 14 au 21 août subventionné par l’aérodrome de la commune et une société genevoise d’encouragement à l’aviation.
« La mayonnaise prenait bien », comme l’on dit et le Havre organisait à son tour une manifestation aéronautique de la baie de la Seine du 25 août au 6 septembre. Morane, faisant son affaire de son côté, battait le record du monde de hauteur avec 2 150 mètres au-dessus du Havre, le 29 août 1910. Et, histoire de montrer qui était le chef, il battait son propre record quel-ques jours plus tard, le 3 septembre, en atteignant 2 582 mètres au-dessus de Deauville. Dire qu’il y a un an à peine, ce record était établi à… 155 mètres ! Le 8 septembre, Géo Chavez grignotait 5 mètres et remontait le record à 2 587 mètres, au-dessus d’Issy-les-Moulineaux.
 
Non en reste, Bordeaux se joignait à la fête avec la sienne, de fête aérienne, du 11 au 18 septembre. A celle-ci, cinq militaires étaient inscrits : les lieutenants Camerman, Rémy, Chevreau et Féquant et le LV Byasson enfin. Ceux-ci participèrent à leurs propres épreuves (on n’est jamais trop prudent) et le président de la république Fallières présida la remise de prix avec un aréopage de ministres et autres représentants du peuple. Si les caméras de TV n’existaient pas encore, le cinéma, oui !
 
Dès lors, les militaires aviateurs pouvaient prétendre à montrer publiquement leur savoir-faire. Les premiers pilotes et appareils «opérationnels » participèrent aux grandes manœuvres de Picardie à la mi-septembre 1910 : deux Farman, un Blériot et un Sommer, tous biplaces, étaient détachés auprès du 2e Corps d'armée, tandis que le 9e Corps disposait de deux Farman, d'un Blériot et d'un Wright, tous ayant un pilote et un observateur à bord. Les avions étaient protégés dans des hangars Bessonneau en toile.
 
Toutefois, les dés étaient un peu pipés car les responsables faisaient leur possible, à leur habitude, pour que les conclusions fussent des plus positives. On ne pouvait malgré tout pas les blâmer. Aussi, le « terrain avait été préparé », si l’on peut dire et un peu réglé comme un grand spectacle. Des hangars avaient été édifiés pour les dirigeables et avions deux mois avant la date des grandes manœuvres, dans chacun des emplacements respectifs de chaque parti belligérant. Par automobile ou chemin de fer, les aviateurs étaient allés reconnaître les secteurs ainsi que les terrains d'atterrissage, au-tour des aérodromes de Briot et de Lamotte-Breuil, un mois avant que les manoeuvres ne débutent. Puis le rassemblement des machines s'était effectué... par voie ferrée : le montage des appareils, leur mise au point et essais s'étaient ainsi effectués longtemps à l'avance.
 
Le lieutenant Féquant, sur cette photo, a 24 ans! Détenteur du brevet de pilote 63, il fait ici équipe avec le Cne Marconnet comme lors de leur équipée record de distance.
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Lors de cet exercice et pour la première fois, des avions évoluèrent au-dessus des troupes aux mains de Féquant, Bellenger, de Caumont, Ménard, Latham, Paulhan, de Robillard quelques uns parmi la dizaine d’officiers pilotes participants. Les officiers attachés militaires étrangers présents suivirent ces manœuvres avec intérêt. Quand, au coucher du soleil, les rafales du vent tombaient à moins de 4 mè-tres à la seconde, les avions décollaient et accomplissaient leurs missions de reconnaissances durant 20 à 25 minutes au-dessus des troupes.
On nota le remarquable exploit du lieutenant de Caumont effectuant l’aller- retour Briot- Rouen lors d’une reconnaissance tactique, parcourant à peu près 120 kilomètres dans les airs. C'était une première réalisée par un avion !
A cette époque, l'aviation était tributaire des transports par voies ferrées, des hangars sans compter ses capacités opérationnelles limitées. Seul argument, l’effet moral sur l'ennemi.
Conscient de ces soucis, le haut commandement décida de positiver pour les prochaines manœuvres de 1911. En vérité, c’est à ça que servent les manœuvres, depuis la nuit des temps…
 
Le bilan des manoeuvres était encourageant et amena le général Roques à commander d'autres monoplans Blériot et biplans Farman. Il ouvrit également un concours d'appareils militaires où le constructeur devait satisfaire un plan de charge comme suit : l’aéroplane devait emmener 300 kg à 300 km sans escale, à plus de 60 km/h. Le prix de 100 000 francs était offert, suivi de commandes, bien entendu.
Le 23 septembre 1910, Géo Chavez, du haut de ses 23 ans, réussissait l’exploit de survoler les Alpes, ce que quelques uns avaient enté sans réussir. A bord de son Blériot (baptisé le « Gypaète »), il avait décollé de Briegenberg, près de Brigue et survole le Simplon puis se dirige vers la vallée de la Toce. En finale sur le terrain prévu de Domodossola, les témoins virent alors les ailes se briser et l’avion chuter d’une vingtaine de mètres. Chavez est trouvé les jambes brisées et perdant du sang par la bouche. Il décèdera à l’hôpital quelques jours plus tard, allongeant la liste des martyres de l’aéronautique, en prononçant la phrase suivante :
-« C’est bon la vie, je ne veux pas mourir… ».
 
Le jeune Jorge "Géo" Chavez (pérou) a l'air bien décidé mais il ne se sortira pas vivant du vol qui va suivre... 
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Les derniers meetings de l’année se déroulèrent à Dijon (23-26 septembre) marqué par deux accidents et le décollage réussi de madame Marthe Niel par vent très fort. C’en était terminé pour la France mais celui, international, de Milan (24 septembre au 3 octobre) clôtura l’année aéronautique sportive civile.
 
Le 1er octobre 1910, Wynmalen empochait le record du monde de hauteur avec 2 780 mètres au-dessus de Mourmelon. « Mais où donc vont-ils s’arrêter ? » pensait le public… C’est vrai qu’ensuite, comme le montrait Méliès avec son cinématographe huit ans auparavant, il ne restait plus que la lune (film de 1902). L’américain Drexel, à une date inconnue, s’appropriait le record dans le courant octobre 1910 avec 2 880 mètres au-dessus de Philadelphie.
 
Le Cne L.G Madiot (commandant l'école d'aviation de l'Artillerie à Châlons) trouva la mort à Douai dans un accident de son Breguet tout récemment acquis par l’armée, le dimanche 23 octobre 1910, à quelques centaines de mètres de Brebières, au départ de l’aérodrome de la Brayelle, près de Douai. Louis Breguet et l’aviateur Weyman étaient présents. Il se trou-vait en mission de recherche d’aérodromes avec le concours des municipalités. C’était le premier pilote militaire mort en «service aérien militaire commandé ». La commission d’enquête pencha pour une faute de pilotage (le pilote avait 43 ans) bien que Madiot n’était pas novice en la matière : il avait été désigné, quelques mois plus tôt pour suivre les cours de l’École Supérieure de l’Aéronautique, en tant que spécialiste de l’emploi des cerfs-volants, engins étu-diés pour la reconnaissance des lignes… les premiers drones !
 
Dans le courant du même mois, le Lt Vaudein (Douai) et le Lt Farges (Versailles) quittaient Buc avec un biplan qu’ils devaient convoyer à Douai. Après avoir survolé Épernay, Reims et Laon, l’équipage se posa à Origny Sainte-Benoîte en raison du brouillard. Après dissipation de celui-ci, le pilote capota au décollage, projetant l’équipage hors de l’avion, sans mal toute-fois… Sérieusement endommagé, le biplan a été démonté et convoyé sur Douai. Ce deuil et ces accidents n'arrêtèrent pas l'émulation des pilotes militaires, car l'élan était donné. Le public connaissait leurs noms, les avait vus participer aux meetings de Reims, de Caen et de Bordeaux. Des cartes postales, expédiées pour la circonstance, valorisaient les exploits de ces aviateurs. La popularité de l'aviation permit une souscription nationale qui, soutenue par des chansons populaires, des jouets d’enfants et des sentiments embrasant le cœur des jeunes filles, rapporta près de quatre millions de francs destinés à épauler cette aviation en devenir...
 
Le Ministre de la Guerre nomma le général Roques Inspecteur Permanent de l’Aviation Militaire le 22 octobre 1910. Ceci scellait la fin provisoire de la querelle des deux armes et les deux centres d'instruction fusionnèrent bientôt et, de fait, devenait autonome... L’Armée disposait alors de 48 aviateurs: 15 du Génie, 15 de l’Infanterie, 9 de l’Artillerie, 6 de la Cavale-rie, 2 de I’Infanterie coloniale, 1 de l’Artillerie coloniale. Parmi ceux-ci, 18 étaient brevetés sur Henri Farman, 8 sur Blériot, 7 sur biplan Sommer, 5 sur Wright, 3 sur Maurice Farman, 3 sur Antoinette et un sur biplan Breguet, un pilote était breveté sur Goupy, Koechlin et Savary, ces appareils n’ayant pas été commandés par l’État.
 
Le 31 octobre 1910, le film "Uncle Tom’s cabin" sortait dans les salles obscures et, à l’écran, on voyait débuter une future pin-up des « années folles » : Norma Talmadge, qui allait rester sur les affiches pendant une vingtaine d’années, tournant quelques 120 films… et le même jour, la course au record d’altitude trouvait un nouveau détenteur en la personne de Johnstone, avec ses 2 960 mètres at-teints au-dessus de Belmont Park près de San Diego, sur la côte californienne. Mais c’était le français Legagneux qui allait mettre tout le monde d’accord pour quelques mois en remportant la coupe le 9 décembre 1910, avec 3 100 mètres au-dessus de Pau.
 
Pour terminer sur une note souriante, voici une des premières pin-up des Années Folles: débutant en 1910, Norma Talmadge tournera quelques 120 films pendant les 20 ans qui vont suivre. Sa soeur Constance n'eut pas un autant succès. Car, si l'aviation explosait, il ne fallait pas oublier l'automobile, le cinéma ainsi que de nombreuses autres choses qui, aujourd'hui, nous semblent tant banales... 
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Avec un passager à bord, le lieutenant Félix Camerman franchissait 234 kilomètres d'un seul vol le 21 décembre 1910, en 4 heures et 3 minutes, sur son Farman. Certains officiers participaient à l'amélioration de leur matériel : le capitaine Etévé inventa un stabilisateur automatique pour son biplan Wright et allait bientôt créer l'indicateur de vitesse qui porta son nom, sauvant bien des vies humaines. Le lieutenant Acquaviva reprit les essais de l'appareil Ancel de télégraphie sans fil, à titre militaire. Bien que l'idée du combat aérien n’effleurait l’esprit de personne, on étudia les manières d'armer les avions pour la destruction des dirigeables dont les possibilités d'emploi guerrier hantaient alors l’esprit des stratèges.
L’année se termina malheureusement par un nouveau deuil chez les militaires : le lieutenant de Caumont perdit la vie le 30 décembre 1910, à Villacoublay alors que de son côté, Tabuteau remportait la coupe Michelin de l’année avec 582 kilomètres parcourus sans escale...
Comme stipulé en tête de ce chapitre, 1910 était une année aéronautique folle… comme ces années 1900 que l’on appelait ainsi, la Belle Époque, quoi !
 
Et, à la fin de cette même année 1910, 52 officiers de toutes armes étaient brevetés, auxquels s'étaient joints 5 officiers de la Marine de guerre sur un total de 150 pilotes militaires. Civils et militaires confondus, 328 pilotes français avaient été brevetés au total (les 17 de 1909 étaient bien loin !). Les fabricants d’aéroplanes, en France, produisirent près de 800 machines cette année-là…
1910 prenait fin avec un certain optimisme aéronautique et, par comparaison, l’Allemagne ne possédait que 40 pilotes, mais seulement une dizaine n’avaient été brevetés en 1909.
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fox59
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MessageSujet: Re: Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910   Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910 EmptyVen 20 Déc - 20:05

Un vrai régal à lire , étonnant , instructif , bref du JJ comme toujours . Merci
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Hamster Volant
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Hamster Volant


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MessageSujet: Re: Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910   Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910 EmptySam 21 Déc - 15:48

Quelle époque!
Je me suis toujours demandé ce qu'être un "fana" dans ces années là pouvait bien représenter...

Et puis, quel engouement dans le public! Même si le secret espoir de certains était de voir un de ces fous volants se casser la g...

En dehors des"clips" regroupés par Daniel Costelle dans sa saga sur l'aviation, je n'ai jamais eu la chance de voir des actualités cinématographiques de l'époque...
Où peuvent-elles bien être maintenant?
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jean-jacques PETIT
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jean-jacques PETIT


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MessageSujet: Re: Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910   Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910 EmptySam 21 Déc - 16:19

Pour ce qui est des archives, il y en a pas mal à la BnF mais je suppose que les firmes ciméma (Pathé, entre autres) on mis en ligne les actus passées dans le domaine public (voir via "Youtube"). Perso, j'ai quelques docs divers d'époque qui donnent le ton: intéressant pour l'esprit, la mentalité et... le vocabulaire!
Dans cette année 1910, comme je voulais poster avant la fin de l'année, j'ai omis d'intégrer la vie politique (IIIè République) et les avancées en automobile également, ce qui sera fait pour 1911 et les autres (tous les deux mois environ). Parallèlement, je poursuis la saga des F-104G...
JJ
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jjeeffoto
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MessageSujet: Re: Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910   Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910 EmptySam 21 Déc - 21:17

Quel plaisir de te lire (ça me rappelle des vieux fanatiques de l'aviation que j ai trouvé dans lesquels tes articles sont également très intéressant...).
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MessageSujet: Re: Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910   Histoire de l'Aéronautique Militaire: l'année 1910 Empty

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