Crusader, synthèse…
Tout d’abord, je dois préciser que le Crusader ne m’intéresse que moyennement et, qu’en conséquence, je n’ai pas acheté la « grosse » monographie concernant le Français. Donc, tout le texte qui va suivre est une synthèse de ma doc. Mais cet avion mythique provoque des émotions et des envies chez les passionnés d’aviation militaire et les maquettistes. Il est courant d’apercevoir une reproduction de cet appareil lors d’une exposition de maquettes, quelle que soit l’échelle proposée.
Comme chacun sait, la France a acheté 42 exemplaires de cet avion remarquable. En effet, la Flottille de chasse tout-temps 11F volait sur Aquilon, appareil honnête mais complètement dépassé au début des années 60, d’autant qu’il commençait à flirter avec les 10 années de service, ce qui était remarquable à l’époque pour un avion de première ligne.
La Marine Nationale chercha donc un remplaçant pour succéder à l’Aquilon, d’autant que la France allait mettre en service deux porte-avions modernes : le R98 Clemenceau et le R99 Foch. Si d’aucuns se glosent de ces bâtiments en les comparant aux porte-avions américains : ils ont tort ! En effet, ces deux bateaux, à peu de choses près étaient semblables aux porte-avions dits « d’escorte » américains, c'est-à-dire de la classe du CVA 41 Midway (298 mètres de longueur, 33 nœuds, 60-75 appareils) comme les ’42 Roosevelt, ’43 Coral Sea, ’19 Hancock, ’34 Oriskany, ’11 Intrepid. En illustation de mon propos, je joins le CVA 31 "Bonhomme Richard" qui est de la même classe que le Midway, tous deux des vétérans de la 2è Guerre et qui ont poursuivi leur activité, sans rougir, jusqu'à la guerre du Vietnam.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les R98 et 99 ont un pont d’envol de 257 mètres, et leur vitesse est de 32 nœuds, 40 appareils sont emportés. Il faut comparer ce qui est comparable et nos besoins n’étaient pas ceux des Américains.
Bref, les F8U Crusader et F4H Phantom (devenus F-8 et F-4 en 1962) étant adaptés à leur porte-avions « amiral », de la classe du Forrestal, il convenait d’apporter quelques modifications afin qu’ils puissent apponter sur nos porte-avions. En mars 1962, deux avions de l’US Navy réalisèrent une campagne d’essais sur le Clemenceau afin de juger de la faisabilité du programme et fixer les modifications nécessaires.
Le Phantom ayant été écarté en raison de son poids, restait donc le Crusader avec lequel existait une affinité grâce au F4U-7 Corsair qui avait été construit sur des spécificités françaises chez Vought.
Le constructeur ressortit un projet de ses tiroirs : l’aile soufflée. Conjuguée avec une future modification des becs de bord d’attaque, en deux parties et s’inclinant désormais à 44° (au lieu de 25° sur les Américains) et 55° (au lieu de 27°) des ailes extérieures, cela permit de passer en dessous des 113 nœuds à l’appontage du Crusader américain, avec un peu moins de 90 nœuds. En revanche, l’extension supérieure de la voilure était réduite de 7° vers 5°. L’ensemble monobloc était agrandi, ainsi que la dérive, le tout devant amener une meilleure manoeuvrabilité aux basses vitesses, ce qui était bien vu.
Ce système séduisit la Navy qui l’inclua lors de la refonte-modification de ses Crusader en F-8H et ‘J et, afin de réduire le prix de revient des modifications, l’Aéro-Navale profita d’un contrat en septembre 1962 concernant le passage en chantier de modifications (incluant une majorité des modifications françaises !)de 90 F-8D de la Navy qui allaient devenir les premiers F-8H. Le c..l bordé de nouilles, les Français, comme on dit !
Pour la petite histoire, une équipe bi-nationale franco-américaine testa l’avion sur les deux porte-avions français le 9 mai 1965 et, pour leur part, les pilotes français réalisèrent 90 appontages sans aucune remise de gaz, ce qui laissa les confrères de la Navy… sur le cul, comme on le dit.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Excepté le monoplace, la Marine était intéressée par le biplace TF-8A. Ce dernier volait en un unique exemplaire que Vought avait construit à partir du 77è F8U-1, BuAer 143710, équipé de deux sièges éjectables MB 5.
La Marine désirait se procurer 6 exemplaires de cet appareil polyvalent (avec toutefois deux canons en moins) mais l’abandon du programme par l’US Navy, en raison du refus du congrès américain de financer la version, amena celui des Français peu après, en dépit d’une participation financière française des essais.
L’Angleterre, de son côté, alla également loin dans ce programme car la RAF et la RN voulaient acheter cet avion pour renouveler leur flotte aérienne de Hunter et Sea Vixen. Un TF-8A à moteur Rolls Royce Spey sortit des planches à dessin, le second poste de pilote étant dévolu à un NOSA, comme on dit aujourd’hui. Cet avion était populairement appelé « Twosader » ou Crewsader », selon. A la suite de l’abandon du programme TF-8 par le congrès américain, l’Angleterre, déçue, se rabattit sur le Phantom pour la RAF et la Royal Navy. De son côté, la France se procura des simulateurs en échange des 6 TF-8 commandés ainsi que deux monoplaces supplémentaires, totalisant à 42 avions la commande française après en avoir espéré 44, mais deux avaient été rognés par le financement des modifications sur les porte-avions.
Au niveau des peintures, l’Aéro-Navale resta sur la schéma américain du gris mouette semi-mat dessus et blanc brillant dessous. Toutes les parties mobiles des voilures étaient peintes en blanc semi-mat, comme les avions de l’USN. Les portes de train avant étaient aluminium, comme la plupart des compères de la Navy.
Les seules différences étaient le positionnement des cocardes qui passaient de l’avant à l’arrière pour les Français et l’adoption des numéros « français », en vigueur depuis 1962, sur l’avant du fuselage, à droite de la voilure extrados et à droite de la voilure intrados, les cocardes nationales se positionnant à l’opposé. L’inscription F-8E (FN) trônait en haut de la dérive… mais ça n’était pas une commande du Front National… qui n’existait pas à l’époque où le Crusader a été acheté mais tout simplement « French Navy ».
D’autre part, les BuAer 151732 à 151773 alloués par l’administration américaine, ne sont pas portés par les avions : en effet, les Crusader FN étant la propriété des Français, ils ne sont pas assujettis aux modifications obligatoires amenées sur les collègues américains. Ah, la paperasse !
Pour les maquettistes qui veulent sortir de l’ordinaire, je propose le F-8E FN n°1 au roulage à Patuxent River pour un vol d’essai : il est affublé des surfaces orange-feu en vigueur pour les avions non opérationnels, d’un perche anémométrique relativement longue pour des mesures « fines » et d’une autre sonde au sommet de la dérive. Cet angle de vue permet également de constater que la peinture du dessous est bien brillante, les reflets l’attestent comme sur la photo du 39, dessous, vu à Nîmes en 1965!
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Dessous, vous pouvez voir un F-8E FN de la 14F, le 16, en mai 1974 à Cambrai. Cet angle permet de voir les parties mobiles peintes en blanc ainsi que la tuyère laissée sans peinture au vu des grandes chaleurs dégagées par le moteur. Deux ans plus tard, à l’été 1976, la mention « MARINE » allait apparaître sur les avions de manière à ce qu’ils ne soient pas confondus avec ceux de l’armée de l’Air lors d’incidents aéronautiques.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Après une quinzaine d’années de service, la Marine Nationale décida de changer la peinture des Crusader, afin de se conformer à la nouvelle philosophie de l’US Navy. En effet, il est bien connu que les Américains détiennent la vérité en toute chose. Nos avions se virent alors recouverts d’une peinture grise très légèrement plus foncée que le gris mouette américain, semi-mat (plus mat que semi). Cette nouvelle robe a été appliquée par le DCAN de Toulon Cuers, ateliers de révision des Crusader, à tous les F-8 passant entre ses mains dès le 1er janvier 1977, lors des grandes visites. La photo de dessous montre… le dessous, justement, avec certains reflets attestant le côté semi-mat, au niveau de l’arrière. Nous pouvons également constater que la tuyère est toujours dépourvue de peinture. Du côté armement, si la configuration de guerre consiste en un Matra 530 à droite et un Sidewinder à gauche (ou deux) puis Magic ensuite, celui-ci emporte un Magic inerte, uniquement à gauche. Notez également que l’aéro-frein est ouvert, les maquettistes peuvent ainsi admirer l’intérieur… blanc, à la mode américaine. En effet, le blanc permet de mieux détecter les fuites hydrauliques et le 8 n’en a visiblement pas été exempt !
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Ensuite, voici un Crusader portant un camouflage gris-bleu cobalt moyen (le cobalt est assez lumineux comme bleu) semi-mat, expérimental. Lorsque je l’ai vu passer devant moi, j’ai pu constater qu’il était recouvert d’un fin voile de peinture car les numéros étaient légèrement apparents. Toutefois, je l’ai noté quelque part mais je ne l’ai pas retrouvé. Peut-être le 7… D’après ce que j’ai pu apprendre plus tard, un second avion aurait reçu une peinture expérimentale : la logique veut que ce soit celle qui ait été choisie. Sujet maquettiste intéressant et simple à peindre !
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Enfin, la dernière étape, vous la connaissez tous, c’est la peinture avec laquelle l’avion a terminé sa carrière : le gris-bleu moyen semi-mat. Cette teinte n’a rien à voir avec celle du Mirage F1 mais approcherait celle du C-135FR. Mais là, je ne vais pas m'étendre car la majorité d'entre vous connaissez la chose. En revanche, dans le post des carges extérieures, je passerai en revue celles du F-8E (FN).
J'ai choisi une vue du F-8E (FN) n°4, me venant d'un camarade de l'époque, un des trois premiers (sinon le premier) ainsi peints et vous pouvez constater que cette peinture fait bien son boulot, même sur la terre! Toutes les inscriptions, selon la mode que les Américains ont lancée à l'époque, sont "basse visibilité".
Vive le Crusader!
JJ
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