Après une quarantaine d’années de recherches (molles) concernant des F-104 vus à Cazaux dans le années 60, j’ai eu récemment des réponses. En complétant celles-ci, cela m’a rafraîchi la mémoire quant à tout ce qui concernait l’avion et sa mise en service dans les années 60. Comme je suis bassi-né par les sujets concernant les F-16 aujourd’hui, je l’étais par les F-104 à l’époque. Je me suis dit qu’il ne serait pas inintéressant de faire un parallèle entre les années 60 et les années 2000 qui, fina-lement, sont peu différentes sur bien des plans.
Je vais donc aborder l’histoire des F-104 sous deux angles afin de faciliter la compréhension du sujet d’une part et permettre aux membres d’y trouver leur compte.
La première partie sera consacrée à la l’évolution de la société, de la géopolitique, de l’économie. Complexe, mais nécessaire pour comprendre « l’invasion » du F-104 à l’époque comme les F-16 de nos jours.
La seconde partie sera consacrée à l’angle purement aéronautique militaire : les pays et unités utilisa-teurs dans les dix premières années, grosso-modo 1957-1967. Cette période a la particularité de concerner les avions avant l’introduction généralisée du camouflage et d’une certaine stabilité dans la stratégie aéronautique.
Je tiens aussi à préciser que les profils ne sont pas rigoureusement exacts, étant là uniquement à titre indicatifs. Ils le seront dans la seconde partie qui inclura aussi les biplaces. De plus, les propos ci-après, écrits exclusivement pour Passion-ailes d’après des documents de diverses sources, n’engagent que moi.
Allez, hop, c’est parti !
Le F-104 Starfighter, témoin de son temps…
Le F-104 Starfighter a été l'un des avions de combat les plus utilisés de l'après-guerre, par de nom-breux pays de l’OTAN et l’OTASE. Produit par Lockheed Aircraft Corporation, la mise au point en vue d'améliorer ses performances et ses capacités opérationnelles a été collégiale. Au passage du siècle, il volait encore au sein de quelques unités sur la planète, assurant vaillamment sa mission initiale : la défense des pays souverains.
Si vous le voulez bien, je vais tenter de brosser une rapide histoire de l’avion pour le replacer dans son contexte de l’époque afin de mieux saisir son impact dans l’histoire de l’aéronautique militaire.
L’immédiat après-guerre
La reconstruction des villes détruites et la remise sur pied de l’économie et de l’administration mobili-sait les pays après la guerre. La situation militaire consistait essentiellement en une séparation Est- Ouest : l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (Russie, Tchécoslovaquie, Pologne, Rouma-nie etc.) contre le reste du monde, notamment les USA et le Commonwealth britannique qui sem-blaient être les égaux de l’URSS. Cela a été favorisé par le traité inter-allié établissant différentes zo-nes d’occupation de l’Allemagne par les Alliés principaux : USA, France, Grande- Bretagne, URSS. En effet, les soviétiques entamèrent un processus de séparation des zones de responsabilité alliées en coupant les liens physiques entre les zones anglaises, françaises et américaines dès le début de l’année 1948. Symboliquement, la pression était mise sur Berlin et, le 24 juin 1948, l’administration soviétique cessa l’approvisionnement de l’électricité, du charbon, des vivres et du lait vers Berlin- ouest. Deux jours plus tard, un pont aérien était établi pour approvisionner la ville : c’était le début de la Guerre Froide.
Le 27 juin, le gouvernement civil de la Fédération malaise décréta l’état d’urgence en raison de l’agressivité croissante de rebelles communistes. La même tension naissait en Indochine envers l’administration française.
Staline décida de lever le blocus de Berlin le 12 mai 1949, voyant la volonté des alliés occidentaux ne pas faiblir : il n’était militairement pas le plus fort… pour quelques mois !
L’administration militaire alliée passa la main aux Allemands qui établirent leur première élection en 1949. Le pays s’installa alors dans cette situation difficile pour de nombreuses familles séparées de fait, d’une tension militaire initiée par l’URSS de Staline qui allait s’éterniser, faisant planer l’ombre d’une guerre nucléaire.
En effet, si le monde était au courant que les USA détenait l’arme nucléaire, l’URSS avait fabriqué sa première bombe le 20 août 1949, mettant le monde occidental en état d’inquiétude maximum au vu de son attitude agressive. A l’autre bout de la planète, la poussée du communisme chinois amena les chinois nationalistes de Tchang Kaï Chek à se réfugier sur l’île de Taiwan le 8 décembre 1949. La promesse de neutralité du président américain sur cette situation était remise en cause, peu après, par l’offensive de la Corée du Nord sur la Corée du Sud.
Contexte politico-militaire de l’après-guerre
C’est dans ce contexte que les USA se mirent en devoir de se doter d’une aviation (et d’une armée par conséquence) pouvant neutraliser toute attaque venant de l’URSS. Le 25 juin 1950, la Corée du Nord attaqua la Corée du Sud, ce qui fit prendre conscience par les USA que la guerre d’Indochine, à un jet de pierre de là, n’était pas une guerre coloniale mais une guerre idéologique pour imposer le communisme dans cette région. Il en était de même avec des groupes rebelles en Malaisie cherchant à prendre le pouvoir à terme, depuis 1948.
L'expérience acquise, lors des combats aériens avec les MiG soviétiques, permit aux pilotes de l'U.S. Air Force de déterminer précisément l'avion devant leur assurer la suprématie aérienne. Depuis 1950, une équipe d’ingénieurs de la Lockheed Aircraft Corporation, dirigée par Clarence L. (Kelly) Johnson, élabora une formule moderne concernant un avion type « fusée » à voilure mince et rectiligne. Il devait être suffisamment moderne mais sans que sa production en soit pénalisée.
Chef d’état-major allié lors de la guerre de Corée, le général Mac Arthur était démis de ses fonctions par le président Trumman, en avril 1951 : car il voulait poursuivre l’offensive jusqu’en Chine en utili-sant, notamment, l’arme atomique. Cela marquait une volonté de rester dans le cadre d’une guerre conventionnelle sans utiliser l’arme atomique dont les conséquences étaient imprévisibles à l’époque. Elle ne devait être utilisée qu’en dernier recours, lorsque toutes les solutions seraient épuisées.
Naissance du F-104 Starfighter
En 1951 et 1952, alors que le rock-and-roll de Chuck Berry commence à se faire entendre aux USA, les ingénieurs de Lockheed agitaient leurs neurones. Cela aboutissait en de nombreux calculs, d'es-sais en soufflerie, débouchant sur une « philosophie » d’un nouvel avion de combat: l’avion fusée. Ce-la correspondait, d’ailleurs, aux visions futuristes de l’aéronautique couchées sur papier par les créa-teurs de bandes dessinées de l’époque.
Lockheed présenta un premier projet aux forces aériennes américaines en décembre 1952, désigné L-246. Le gouvernement et l’USAF contractaient alors Lockheed pour développer l’idée et construire une maquette. En mars 1953, l’USAF donna feu vert officiel pour la réalisation de deux prototypes d'un avion désigné XF-104 et l'exécution d'un programme d'essais en vol. Pesant 5 200 kg à vide, le F-104 était bien moins lourd que les avions de combat comparables de l’époque. Lockheed concentra alors ses efforts sur les moyens d'obtenir un rapport poussée/ poids élevé en fonction du régime su-personique prévu pour l'appareil. C’était le début d’une ère nouvelle et Elvis Presley enregistrait son premier disque chez Sun Record : la révolution culturelle était aussi en marche !
Seuls disponibles pour ce type d’avion, le réacteur Curtiss-Wright J-65 motorisait les XF-104 délivrant une poussée statique de 4 760 kg avec postcombustion au niveau de la mer. Cette puissance était in-suffisante pour atteindre et dépasser Mach 2, valeur phare de l’époque où le mur du son n’était déjà plus d’actualité. Et, bien que la cellule ait été conçue pour ces vitesses, le XF-104 ne put dépasser Mach 1.6, vitesse toutefois supérieure de 0.3 Mach à celle des avions de combat américains de la fa-mille « 100 ».
Cela amena des recherches sur l’élasticité des ailes pour établir la version finale : Lockheed procéda à des essais très poussés sur des réductions à l'échelle 1/10è montés sur des fusées à grande puis-sance… car il n’y avait pas les simulations sur ordinateurs comme aujourd’hui !
L'aile a été implantée de manière à présenter un dièdre négatif de 10° afin de une manoeuvrabilité ac-ceptable. Des volets ont été ajoutés aux bords d'attaque et de fuite pour permettre le vol aux basses vitesses. Les bords d'attaque de la voilure étaient minces et rectilignes tout comme l'empennage, chaque demi-aile était longue de 2.28 m. Le dessin rectiligne des saumons d'aile permettait égale-ment l'emport de réservoirs de carburant ou d'engins air-air.
De forme trapézoïdale, la mince voilure est implantée vers l'arrière du fuselage, car elle réduisait considérablement la traînée était la mieux adaptée au vol à grande vitesse et permettait de s’affranchir de tout équipement de dégivrage alourdissant l’avion.
Afin de décélérer rapidement, des freins de piqué ont été placés de chaque côté du fuselage, à l'ar-rière de l'aile.
Le 27 juillet 1953, la guerre de Corée prenait fin et la pression retombait, un peu. En effet, la guerre se déroulait toujours en Indochine avait une vigueur croissante, tout comme en Malaisie.
Des recherches suivies d’essais poussés amenèrent à positionner l'empennage horizontal en haut de la dérive. Cette formule en T assurait une stabilité et des qualités de vol optimales dans tout le do-maine de vol, éliminant au maximum le buffeting en régime transsonique, bête noire de l’époque. Cette hauteur de l'empennage vertical au-dessus du centre de gravité est à peu près égale à la lon-gueur de chaque demi-aile et il en résulte un couple de redressement important pendant les évolu-tions en glissade. Le plan fixe horizontal ne porte pas de gouverne de profondeur car l'ensemble de l'empennage horizontal assure cette fonction. C'est d'ailleurs la première fois qu'un empennage de ce type a donné satisfaction.
Le XF-104 effectua son premier vol le 28 février 1954 et les essais en vol se poursuivirent les mois suivants, créant une confiance de la part des concepteurs et utilisateurs. Si les calculs de performan-ces et de traînée des avions supersoniques se trouvaient habituellement peu confirmés lors des es-sais, ces derniers validèrent globalement les calculs concernant ses performances du F-104.
Ci-dessous, l’avant- dernier YF-104A-1-LO est présenté avec une des pinups de chez Lockheed afin de mettre en valeurs les lignes… de l’avion. Publicité curieuse de la part d’un pays si pudibond…
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Lockheed et l'USAF développèrent conjointement diverses versions: interception, appui tactique et emport de l’arme atomique. Il faut rappeler qu’à l’époque, l’explosion de la bombe A d’Hiroshima et Nagasaki n’était vieille que d’une dizaine d’années et avait démontré son efficacité tant opérationnelle que politique. En effet, la séparation de la civilisation planétaire en deux blocs, Est et Ouest, deman-dait un certain équilibre afin de se prémunir de toute agressivité de l’un ou l’autre de ces blocs. La dis-suasion en était née.
Les améliorations continues amenèrent les réacteurs General Electric J79, plus puissants (6 800 kg avec postcombustion), à remplacer les Curtiss-Wright initiaux. Lockheed allongea légèrement l’avion et créa un dispositif de contrôle de la couche limite pour assurer une meilleure sustentation et réduire la vitesse à l'atterrissage du F-104 et accroître sa maniabilité.
Excepté ses qualités aérodynamiques, le F-104 était une machine de guerre bien adaptée pour sa mission première : l’interception des bombardiers soviétiques TU-16 Badger, fer de lance de l’URSS, venant par le pôle nord. Pour ceci, il était équipé de deux engins air-air dernier-cri : le AIM-9B Side-winder, étudié pour détruire un bombardier en haute altitude. Pour le combat aérien, un canon Vulcan automatique à six tubes de 20 mm permettait de venir à bout des chasseurs d’escorte.
L'USAF apprécia particulièrement la vitesse ascensionnelle égale à sa vitesse horizontale, premier avion à dépasser Mach 2 en palier.
La menace communiste en Indochine restait présente avec les victoires militaire et politique concréti-sées par la chute du poste avancé et fortifié de Dien Bien Phu en mai 1954, suivi de l’armistice de juil-let suivant. L’Indochine, séparée en deux, devenait Vietnam du Nord (République démocratique du Vietnam) et Vietnam du Sud (République du Vietnam) sur le même schéma que la Corée du Nord et celle du Sud.
La première commande américaine
Si Bill Haley and the Comets se classaient n° 1 au hit parade américain en juillet 1955 avec la chan-son devenue mythique « Rock around the clock » quand le 14 octobre suivant, l'U. S. Air Force plaça une première commande de 17 YF-104A monoplaces d'un montant de 100 millions de dollars avant de commander l'année suivante une version biplace, le F-104B, polyvalente : instruction des pilotes et avion de combat tactique. Le mois suivant, Elvis Presley signait chez RCA et abordait ainsi la scène nationale : lui aussi allait à sa manière, changer la société américaine grâce à son impact chez les jeunes adolescents.
Entretemps, le rock-and-roll faisait des émules et se propageait au sein de la jeunesse américaine. Une des futures vedettes était Buddy Holly dont la chanson « Blue days, black nights » était distribuée par RCA dès le mois d’avril. Cette musique allait déferler sur tous les continents où se situaient des bases américaines, par le biais des super-marchés des Air Force Bases, les fameux P.X. et les caser-nes des G.I. (General Infantry).
Le 15 octobre 1956, définitivement séduite par l’avion, l’USAF passa commande à Lockheed pour 153 monoplaces F-104A et 26 biplaces F-104B d'un montant de 166 millions de dollars. L’U. S. Air Force contracta ultérieurement des F-104C et D sur les crédits des années fiscales 1956 et 1957, portant le total des avions commandés par celle-ci à 247 monoplaces et 47 biplaces. Des améliorations d'ordre opérationnel avaient été apportées dans la version "C", muni notamment d'un dispositif de ravitaille-ment en vol. Le F-104D était la version biplace biplace du F-104C, globalement analogue au F-104B.
En outre, le 6 décembre 1956, le Continental Air Défense Command, chargé de protéger les Etats-Unis contre les attaques aériennes, affecta le F-104A à ses escadrons dont le premier, le 83 Fighter Interceptor Squadron (FIS), était déclaré opérationnel le 20 février 1958 sur la base de Hamilton, en Californie.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]En 1957, les cochers de F-104A Starfighter poursuivaient la prise en main et l’exploration du domaine de vol. Parallèlement, une nouvelle vedette du rock-and-roll, Eddie Cochran, enregistrait « Cotton pic-kers » tandis que la télévision commençait à se répandre dans les foyers américains, tout comme les réfrigérateurs et autres babioles si communes aujourd’hui.
Alors que le « Sweet little sixteen » de Chuck Berry envahissait les ondes radio, les pilotes de F-104 testaient toujours les performances de leur avion chasseur d’étoiles. Le record d'altitude mondial re-passa aux mains des Etats-Unis le 7 mai 1958 avec une altitude atteinte de 27 810 m à l’issue d’une montée « zoom » : le Major Howard C. Johnson (83rd FIS) pilotait le YF-104A serial number 55-2957 (buzz number FG-957), à partir de la base d’Edwards, Palmdale, CA.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Huit jours plus tard, le Capt Walter W. Irwin, 83rd FIS sur la base d’Edwards, établissait un nouveau record de vitesse en atteignant 2 259 km/h sur un circuit de 15/25 kilomètres. Il pilotait le YF-104A s/n 55-2969 bien surnommé "Speedy". Pendant cette même période, le F-104 s'attribua également 7 re-cords de temps de montée s'échelonnant entre 3 000m en 41,8 secondes et 25 000 m en 4 min 26,03 secondes.
Le prix inférieur de moitié à celui des autres avions de combat de l'époque, la simplicité de mise en oeuvre du YF-104 grâce l'accès facile à ses différents équipements permettaient d'envisager un coût très raisonnable d’utilisation de l’avion selon la publicité. A l’automne 1958, la rigolade était terminée : le 83 FIS était détaché aux îles Quesmoy, en Chine Nationaliste, afin de contrer toute attaque des Chinois « Rouges » qui venaient de bombarder les ïles Quesmoy et Matsu. En effet, les Chinois communistes montraient régulièrement les dents aux frères nationalistes. Etablie comme république populaire depuis le 20 septembre 1954 avec Mao Tse Toung comme président élu par les sept mem-bres du comité permanent, la Chine populaire disputait régulièrement la propriété des îles Quemoy et Matsu, occupées par les Chinois nationalistes. Ces îles étaient bombardées à l’été 1958… Les F-104A du 83 FIS de l’USAF y furent détachés de septembre à novembre 1958, le temps que se calme la situation.
Au Moyen-Orient, une guerre civile éclata au Liban en juillet 1958 entre chrétiens et musulmans et le président libanais demanda l’aide des Américains : ceux-ci débarquèrent sur les côtes de Beyrouth le 15 juillet. La situation stabilisée, les troupes de l’ONU se retirèrent le 25 octobre.
Côté F-104, Lockheed ne chômait pas : la plupart des pays de l’OTAN et de l’OTASE se laissèrent séduire par les commerciaux américains qui proposèrent des avantages intéressants, politiques et économiques comme la participation à la fabrication des avions. C'est ainsi que le 6 novembre 1958, le Comité de Défense de la République fédérale allemande sélectionna le F-104 comme intercepteur standard, chasseur-bombardier et avion de reconnaissance… alors que la Luftwaffe lui préférait le Mi-rage III. La situation était similaire avec l’USAF dont l’intérêt envers le F-104 commençait à refroidir. Elle disposait en effet d’avions comme le F-102 et le F-106 qui remplissaient parfaitement la mission de l’Air Defence Command et qui avaient encore de beaux jours devant eux.
Tout près des Etats-Unis, la température montait doucement et la situation commença à se dégrader sur l’île de Cuba où les idées révolutionnaires faisaient leur chemin. Le docteur Fidel Castro attaqua la caserne Montada mais échoua. Amnistié, il reprit la tête de la guérilla jusque la fuite du président Ba-tista qui laissa le pays aux mains des guérilleros le 1er janvier 1959.
Le contrat avec l'Allemagne de l'Ouest fut signé le 18 mars 1959 et la première commande porta sur 30 biplaces d'entraînement F-104F et 66 monoplaces de combat polyvalents F-104G. Lockheed Bur-bank (Californie) produisit les premiers appareils dès la fin de l'année en attendant que la production débute chez Messerschmitt. La spécialité dévolue à la Luftwaffe par le traité OTAN contraignit la ser-vice à réclamer un certain nombre de modifications afin que le Starfighter soit conforme au plan de charge demandé concernant la mission tactique.
La formule de l’avion-fusée est confirmée… mais les SAM vont changer la donne !
Le 8 mars 1960, le SAAB J-35A Draken était mis en service au sein de la F13 de l’armée de l’Air sué-doise. Il représentait le renouveau de l’aviation d’interception, adaptée toutefois aux besoins spécifi-ques de ce petit pays… neutre. Philosophiquement, l’Angleterre et la France suivaient le même che-min, le Mirage IIIC est semblable.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le 1er mai 1960, le U-2C 56-6693 piloté par Gary Power décollait de Peshawar (Pakistan) pour effec-tuer une mission de reconnaissance au-dessus de l’URSS : il était abattu par un SAM 2 (Sol-Air-Missile) soviétique. Le pilote, capturé, sera échangé le 10 février 1962 contre un espion soviétique dé-tenu par les USA. Dès lors, en raison de la vulnérabilité à ce genre de DCA (Défense Contre Avion), l’USAF engagea une réflexion sérieuse sur la nécessité, ou non, d’avoir une aviation « Mach 2 » et cela remettait en cause, insidieusement, la formule F-104.
Quelques semaines plus tard, le 30 juillet 1960, la RAF mettait en service un intercepteur adapté à ses besoins : l’English Electric F1A Lightning au sein d’un escadron cher à nos cœur puisqu’il s’agissait du 74 squadron « Tiger » ! Cet appareil jouait dans la même cour que le F-104 et se trouvait plombé par les mêmes défauts : manque d’autonomie, radar en bois, jambes courtes. Mais il montait vite et emportait deux missiles air-air qui suppléaient deux canons de 30 mm.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]A Cuba, certains anti révolutionnaires tentèrent un coup d’état en débarquant dans la Baie des Co-chons le 17 avril 1961, mais échouèrent. Les USA décidèrent alors de couper les liens avec l’île deve-nue « rebelle », épaulée par le Parti Communiste soviétique. Fort de ce point d’appui important pour eux, les Soviétiques armèrent l’île de façon à pouvoir toucher les USA, au besoin.
En France, le premier Mirage IIIC était réceptionné par l’EC 1/2 Cigognes en juillet 1961: avion de la catégorie du F-104, il avait l’avantage d’avoir deux canons et une capacité air-sol bien utile.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Insouciante, la jeunesse dansait le rock, le twist, le madison et se déchaînait au son de cette nouvelle musique électrique. En France, afin de mieux faire communier la jeunesse autour d’un trait d’union, Daniel Filipacchi sortit le numéro 1 de « Salut les Copains » en juillet 1962 : celui-ci allait devenir la bible mensuelle de cette jeunesse qui ne voulait plus entendre parler de Tino Rossi et autres André Dassary. D’autant que la guerre d’Algérie prenait fin, l’indépendance de ce pays était acquise dès le 3 juillet 1962 : les appelés du contingent n’allaient plus être envoyés dans ce pays qu’ils ne connais-saient pas et, pour certains, y mourir.
Sur l’île de Cuba, derrière Fidel Castro, les révolutionnaires ne se sentaient malheureusement pas concernés par le rock-and-roll. Les Américains n’appréciant pas la situation, le président Kennedy dé-cida de réagir fermement en établissant un blocus autour de Cuba dès le 22 octobre 1962. Les mis-sions de reconnaissances avaient en effet mis à jour la construction de sites de missiles balistiques et sol-air. Kroutchev, loin de son pays, n’était pas dans une position très favorable et décida de démon-ter les bases construites peu avant noël 1962. Le monde venait de frôler un conflit qui aurait pu avoir des issues impensables. Comme on peu le constater, la confrontation Est-Ouest n’était pas un vain mot !
Simultanément, les forces aériennes vieillissantes de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) et de l’OTASE (Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est) s’inquiétaient de la relève. Les meilleurs avions (performances et fabrication industrielle) de l’époque, étaient globalement améri-cains. Aussi, pour remplacer les F-84F Thunderstreak et F-86 Sabre des aviations alliées, fournies au titre MDAP/ Prêt-bail, il fallait donc s’adresser aux Yankees. Ceux-ci se frottèrent les mains en pen-sant aux futurs clients potentiels « obligatoires », en vertu des accords de défense.
Les forces aériennes étrangères sont séduites par le Starfighter…
La politique commerciale agressive des Etats-Unis, conjuguée avec le besoin de renouvellement de la flotte OTAN et OTASE, permirent de « convaincre » les pays alliés et les récents évènements de par le monde aidaient dans ce sens…
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Techniquement, les retours des utilisateurs amenèrent des modifications de structure concernant le F-104 destiné aux Allemands, premiers clients potentiels. Elles touchèrent le fuselage, la voilure et l’empennage afin de transporter une charge utile plus importante. Un équipement de vol «tous temps» permettait au F-104 d’accomplir la mission demandée et un siège éjectable Lockheed C-2 assura la sécurité du pilote à basse altitude. Le Starfighter reçut également équipement électronique de conduite du tir entièrement nouveau et d'un système autonome de navigation par inertie léger et entiè-rement automatisé afin de le rendre autonome et polyvalent. Ces transformations augmentèrent le poids au décollage de près de trois tonnes (24,5 t pour le F-104A à 28,5 t pour le F-104G), ce qui n’arrangeait pas les choses. Le réacteur du F-104A J79-GE-3A développant 6,7 tonnes (avec P.C.) laissait la place au J79-GE-11A, poussant 7,2 tonnes (avec P.C.) mais il ne compensait malheureu-sement pas l’accroissement du poids. La modification lui permettant de transporter des armes lourdes air-sol se traduisit par une augmentation de poids (environ 450 kg, soit un peu plus de 2 %). Si le fac-teur de charge augmenta de 20%, la cellule ne s'accrut que de 160 kg, le reste de l'augmentation de poids concernait les équipements électroniques nouveaux ou améliorés.
Le nouveau système d'armes pouvait s'adapter à chaque mission en tenant compte du combustible et l'armement emporté.
Le F-104, selon les Américains, devient indispensable…
Mettant le F-104G en exemple, Lockheed annonça alors être en mesure d'offrir une nouvelle version internationale répondant aux besoins des futurs pays clients. Dès lors, les commandes se succédè-rent et le 2 juillet 1959, Lockheed signait avec le Canada un accord autorisant ce pays à construire sous licence 200 CF-104 destinés aux huit escadrons de la RCAF faisant partie des forces de l'OTAN en Europe.
Politiquement, cet accord intéressait les Etats-Unis car le Canada assurait la première ligne de dé-fense contre une attaque soviétique survenant par le pôle nord. Et les Canadiens, montrant le désir de se défendre tout seuls, avaient créé un avion, le CF-105 Arrow, pouvant assurer la mission de ma-nière la plus efficace possible. Les Américains prenant ombrage du fait que l’on puisse se passer d’eux et ne faisant confiance à personne en ce qui concernait leur défense rapprochée, réussirent à plomber l’affaire et, pour faire passer la pilule, « offrirent », en 1961, 66 F-101B « déclassés » équi-pés du missile air-air moyenne distance « Falcon » (et de missiles nucléaires « Genie » plus tard) ain-si qu’une chaîne de radars et centres opérationnels reliés au système américain. Tout le monde était ainsi content ! Bien entendu, les CF-101 allaient passer à travers un programme de modernisation…
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les affaires s’annoncent bonnes pour Lockheed et les USA !
En mars 1960, alors qu’Elvis Presley rentrait de son service militaire en Allemagne permettant ainsi à de nombreuses jeunes filles de quitter leur deuil, Johnny Hallyday sortait son premier disque dont la chanson « T’aimer follement » allait démanger les jambes de la jeunesse française. Les Chaussettes Noires d’Eddy Mitchell chantaient « Be bo a lula », ce qui allait augmenter la démangeaison. Le 20 avril 1960, les Pays-Bas concluaient un accord de construction sous licence et la Belgique suivait peu après.
Le 18 juin 1960, un festival de rock-and-roll faisait résonner les guitares électriques Fender Statocas-ter (pour les musiciens les plus riches) et Ohio (pour les moins riches) dans le Palais des Sports de Paris. Il en résulta de nombreux fauteuils brisés, quelques émeutes et beaucoup d’activité pour la Po-lice Nationale : la jeunesse prenait la mesure de sa culture Rock et la société française avec ! Le même mois, la chanson « Souvenirs, souvenirs » chantée par Johnny allait devenir le tube et l’étendard de cette jeunesse turbulente qui rendait les parents hagards…
En novembre de la même année, le Japon annonça son intention de changer sa flotte de F-86 vieillis-sants : comme pour de nombreux pays alliés, le F-104 tombait à point. Le Japon désirait un avion uni-quement de défense aérienne. En vue du futur accord, le gouvernement japonais mandata une équipe d'industriels japonais dirigée par Mitsubishi Heavy Industries devant assurer la production de 210 F-104J.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le 15 décembre 1960, l'U. S. Air Force dévoila qu'un F-104 avait atteint l'altitude de 31 515 m, éta-blissant ainsi un nouveau record mondial. En même temps, le Starfighter avait établi un record ascen-sionnel en atteignant 30 000 mètres 15 minutes 4,92 secondes après le lâcher des freins.
En janvier 1961, Johnny Hallyday (qui connaissait bien les femmes pour son âge) chantait « Tu parles trop » en même temps que les Chaussettes Noires chantaient ce même titre (Eddy Mitchell allait se marier le 17 juin suivant, lui). Tout cela laissa l'Italie de marbre car le pays annonça, le 2 mars 1961, qu'il se joindrait à l'Allemagne fédérale, aux Pays-Bas et à la Belgique pour participer à un programme commun de fabrication du F-104. Le 20 avril, un des groupes phares du rock français, « les Chats Sauvages » dont le chanteur était le toujours présent Dick Rivers, signa son premier contrat avec Pa-thé-Marconi et la chanson « le jour J » allait être sur leur premier disque. Le printemps était chaud !
Chaud aussi pour les « conseillers miliaires » américains se trouvant en mission dans le Sud-Est asia-tique : un SC-47 était abattu le 23 mars 1961 en pleine mission de conseil. Depuis un an aux com-mandes du pays, le président Kennedy dût prendre des décisions : le 11 octobre, il envoya un déta-chement aérien (« Jungle Jim ») au Sud-Vietnam.
Une tension politique à l’été 1961 allait permettre au F-104 d‘occuper la scène en Europe. En effet, le président américain Kennedy rencontrait son homologue soviétique Kroutchev à Vienne en juin et ce dernier se montra intraitable quant à la fin du traité autorisant les Alliés à occuper les zones dévolues dans la ville de Berlin. Kennedy rentra aux USA et mobilisa les forces. Parmi celles-ci se trouvaient des F-104 de la Garde Nationale.
Le 13 août 1961, Kroutchev ferma les accès occidentaux de Berlin (le fameux couloir), Kennedy dé-créta la mobilisation et envoya les forces en Allemagne Fédérale pendant que le « fameux mur de Berlin se mettait en place : initialement en barbelé, il laissa rapidement place à un mur bétonné dans le ville... ce qui n’empêcha pas les Chats Sauvages de remporter la coupe du rock de Juan-les-Pins. Johnny Hallyday effectuait également une tournée triomphale qui passa par le Palais des Sports de Toulouse (où j’habitais alors) où les fauteuils y furent, bien sûr, cassés ! Mais la proximité de la fon-taine au milieu du square, permit à la police d’y plonger tous les excités pour les calmer. C’était en-core (presque) bon enfant… Mais il n’y avait pas ce type de fontaine à Berlin.
Les F-104A & B appartenant aux états d’Arizona (197 FIS), de la Caroline du Sud (157 FIS) ainsi que du Tennessee (151 FIS), convoyés par transporteurs vers l’Allemagne fédérale, étaient à pied d’œuvre en octobre pour faire face au bloc communiste, accomplissant leurs missions du 1er novem-bre au 15 août 1962 à partir de Ramstein.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]On construisait alors des F-104 sur trois continents et dans sept pays. Les F-104G et TF-104G Star-fighter fabriqués ou assemblés en Allemagne, en Belgique, en Italie et aux Pays-Bas formèrent, avec les appareils construits aux Etats-Unis, la défense aérienne de l'OTAN en Europe. Cet avion interna-tional, construit basiquement sur le modèle «G», permettait une interchangeabilité entre tous les pays.
Alors que Sylvie Vartan commençait son ascension vers les sommets du star-system (on disait vedet-tariat, à l’époque), le F-104 était alors le plus important programme de conception et de production d'un système d'armes intégré jamais entrepris par une association de nations du monde libre, repré-sentant une première étape vers la rationalisation de la production industrielle aéronautique euro-péenne. Il en résulta les programmes Concorde, Atlantic, Jaguar qui démarrèrent au milieu des an-nées 60. Du côté de la défense des états membres de l'OTAN, cela permettait de poursuivre une uni-formisation du matériel, débuté à la création avec les F-86 et autres Meteor.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]De son côté, l’U. S. Air Force avait commandé en 1962, dans le cadre du MAP (Programme d'Assis-tance Militaire), 140F-104G destinés à différentes nations de l'OTAN et c'est Canadair Ltd. Les F-104G commandés au titre du MAP s'ajoutaient aux 109 avions déjà construits par Lockheed à Bur-bank en Californie à la demande de l'USAF. L’année 1962 se termina sur la complainte de Richard Anthony « J’entends siffler le train », chanson originalement prévue pour Hugues Auffray mais que Barclay attribua finalement à Richard : devant le succès mémorable de ce titre, Hugues se sentit lésé et je suis poli. Sur les écrans, cette année-là, on pouvait suivre le premier opus des aventures de Ja-mes Bond 007 contre le docteur No.
Le premier F-104G du MAP a effectué son vol initial le 30 juillet 1963. Les livraisons à la Norvège, au Danemark, à la Grèce, à la Turquie, à l'Espagne, à la Chine nationaliste et au Pakistan débutèrent avant la fin de l'année.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L’année 1963 vit Claude François faire la première partie du spectacle de Sylvie Vartan à l’Olympia tandis que le 10 mai suivant, les Rolling Stones sortent leur premier disque dont la chanson « Come on » sera noyée dans la masse du Rock-and-Roll, tout comme les Beatles qui chantaient « Please, please me ». Le 15 juin, Johnny Hallyday, partageant l’affiche du film « D’où viens-tu Johnny » avec Sylvie Vartan, fêtait ses 20 ans en Camargue avec l’équipe du film. Ce film sortait quelques mois plus tard et précipitait la jeunesse français dans les salles obscures (j’en étais !). Le 22 suivant, Johnny rassemblait 30 000 spectateurs sur la place de la Nation à Paris : c’était définitivement l’Idole des Jeunes, comme on le baptisait alors !
Emporté par le succès, les sentiments et la folie de la jeunesse rock, Johnny et Sylvie Vartan annon-cèrent officiellement leurs fiançailles le 15 octobre 1963 : cette nouvelle allait mobiliser les médias sans compter, occultant un bras de fer entre le général de Gaulle, président de la république française et les USA. En effet, les unités tactiques américaines, canadiennes et françaises stationnant sur le sol français et ayant la capacité nucléaire tactique (ou pas), se trouvaient sous administration américaine. Le président français jugeant cet état de fait inacceptable depuis son accession à cette haute fonction (1958), demanda aux Américains que l’arme, sur le sol français, soit sous la responsabilité française. Les Américains ne l’acceptèrent évidemment pas… Il en résulta une situation type « impasse » qui déboucha sur le retrait de la France de l’OTAN. De Gaulle n’en avait rien à faire, le Mirage IVA étant sur le point de rentrer en service un an plus tard !
Cette « idée » fit également son chemin dans la politique canadienne, aboutissant au retrait de la mis-sion nucléaire au 31 décembre 1971, jugeant la mission mauvaise pour l’image du pays. Les CF-104 passant alors dans la mission reconnaissance ou tactique.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L’année 1963 vit aussi un Starfighter modifié en version NF-104A, équipé d'un moteur-fusée auxiliaire, spécialisé dans l’entraînement des astronautes. Piloté par le major Robert W. Smith de la base aé-rienne d'Edwards, cet appareil parvint à l'altitude de 36 228 mètres le 15 novembre : ce record mon-dial d'altitude n’était toutefois qu’officieux mais s’ajoutait à la liste très « causante » du F-104.
Mars 1964 remit les idées de Johnny Hallyday en place : Jean-Philippe Smet reçut sa feuille de route pour effectuer son service militaire. Fini la rigolade… au moins pour un temps. Et en septembre 1964, un film d’aviation sortait sur les écrans français : « Mission 633 » : il avait été tourné grâce aux der-niers Mosquito encore en service en Angleterre et le film valait le déplacement. Il annonçait, en quel-que sorte, le suivant : « la Bataille d’Angleterre » !
Le 2 août 1964, des avions nord- vietnamiens attaquaient des bateaux américains en Mer de Chine : les Américains n’aimèrent pas. A l’automne 1964, les USA envoyaient des unités aériennes de com-bat au Sud-Vietnam : tout était alors en place pour une des plus longues guerres de la planète.
Le 20 janvier 1965, le film français « Le ciel sur la tête » sortait dans les salles : il mettait en valeur l’aéronavale française, mettant en scène les Etendard, Alizé et le Clemenceau, porte-avions fer de lance de notre marine. Tous les passionnés d’aéronautique se précipitèrent dans les salles et ne fu-rent pas déçus. Quelques années plus tard, lorsque l’on verra « Nimitz, retour vers l’enfer », on y note-ra un air de ressemblance…
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le F-104 fait parler la poudre…
Le 7 février 1965, le Viet Cong (rebelles communistes) attaquent la ville de Pleiku, au Sud-Vietnam : c’est le début de la guerre « officielle » du Vietnam. Dès le lendemain, les raids américains débutaient en masse. En avril 1965, l’USAF affecta un escadron de 25 Starfighter en Asie du Sud-Est pour faire face à la menace représentée par les chasseurs MiG. Huit mois durant, la 479e escadre tactique de George Air Force Base (Californie) a détaché ses trois escadrons de F-104 à Da-Nang, par roulement. Armés de missiles Sidewinder et de leur canon «Gatling» de 20 mm, les F-104C assurèrent la dé-fense de l'espace aérien du Vietnam. La menace aérienne ennemie ne se matérialisant pas, ils se vi-rent assigner des objectifs tactiques. Trois de ces appareils étaient abattus et deux rentrèrent en colli-sion lors d’une sortie nocturne. Les batteries ennemies endommagèrent un autre avion, le pilote étant tué dans le crash. Composant la 479e escadre, les 434, 435 et 436ème escadrons de Starfighter tota-lisèrent 8 820 heures de vol en 2 269 missions, soit une moyenne mensuelle de 70 heures de vol par appareil. La durée moyenne d'une sortie était de près de quatre heures et certaines dépassèrent sept heures.
Pendant ce temps-là, les Rolling Stones chantaient « I can get no satisfaction » depuis le mois de mai, date de sortie du disque en France (avant l’Angleterre !) : ce titre allait définitivement les mettre en op-position au groupe Les Beatles jusqu’à la séparation de ce dernier.
Mené tambour battant, le programme de production du F-104 à l'échelon mondial menait son train et le 1er octobre 1965, 14 forces aériennes utilisaient plus de 2000 F-104 qui assuraient la défense des pays de l’OTAN et de l’OTASE.
Le dernier escadron détaché au Vietnam termina sa série de missions en décembre 1965 et retourna à George Air Force Base. Dès mars 1966, un des escadrons F-104C du 479 TFW était affecté à la 7e force aérienne dans la zone opérationnelle du Vietnam.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]D’autres pays se voyaient confrontés au combats aériens, en premier lieu, le Pakistan. Afin de moder-niser la défense aérienne de ce pays face aux MiG 21F en cours de livraison à l’Inde, les USA décidè-rent de livrer un escadron de F-104A à la PAF (pas la Patrouille de France, mais la Pakistan Air Force !). Ces avions, venant d’être retirés des unités de la Garde Nationale américaine, offraient une solution rapide et cohérente pour préserver l’équilibre opérationnel dans cette partie du monde. Les perfor-mances du MiG 21F étaient équivalentes au F-104A : les pendules étaient remises à l’heure.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]En 1964, la Chine populaire passait la vitesse supérieure en faisant exploser sa première bombe nu-cléaire. Se sentant dès lors très fort, le président Mao Tse Toung décida de lancer la révolution cultu-relle dès l’année suivante : tous les livres étaient officiellement détruits, comme tout ce qui représen-tait la culture « d’avant Mao ». Seul, le « petit livre Rouge », regroupant les pensées philosophiques du guide, avaient droit de cité sur le territoire national. Cette opération inquiéta les pays voisins qui se demandaient où cette aventure allait s’arrêter!
Les F-104 pakistanais enregistrèrent leur première victoire aérienne le 24 juin 1965 sur un Ouragan. Le 1er septembre 1965, la guerre débuta entre l’Inde et le Pakistan en raison de revendications terri-toriales. Les F-104 pakistanais participèrent à leur premier combat le 3 mais sans résultat. Bien que le bilan ne soit pas toujours très clair actuellement, il semble que plusieurs F-104 aient souffert des atta-ques indiennes mais la seconde victoire était obtenue le 6 septembre sur un Mystère IVA ce même F-104 étant abattu peu après.
Les F-104G taiwanais font le coup de feu le 13 janvier 1967 en interceptant et abattant deux F-6 « rouges » chinois.
Au Moyen-Orient, la guerre israélo-arabe grondait alors que les premiers F-104A rejoignaient Amman, en Jordanie : les Américains avaient décidé d’aider la Jordanie, seul pays arabe pro-occidental à l’époque (l’Iran était un peu plus au sud…) à maintenir un équilibre militaire face à la Syrie au nord et à l’Irak, au sud. Curieusement, quarante-huit heures avant l’offensive israélienne du 6 juin 1967, les F-104A et B décollèrent d’Amman pour la Turquie aux mains des moniteurs américains, les Jordaniens n’étant pas lâchés.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le Sud-Est Asiatique et les rebelles…
La litanie de l’insécurité sur la planète ne serait pas complète si je n’évoquais pas la guérilla qui sévis-sait dans les archipels de Malaisie.
Le parti communiste étant déclaré illégal en Malaisie le 17 juin 1948, les membres du parti les plus remontés passèrent à la clandestinité. Dès lors, les Anglais administrateurs de ce pays faisant partie du Commonwealth, n’eurent de cesse de lutter contre les groupes dissidents. Une première opération (Firedog) impliqua aussitôt la RAF et les autres services de l’armée royale britannique.
Au milieu des années 50, Lockheed avait entamé des négociations avec l’Australie afin d’y vendre des F-104 car la RAAF avait le besoin de renouveler sa flotte de F-86 Sabre. La situation instable de la ré-gion se prêtait bien aux négociations. Bien que la vente de 30 F-104 ait été sur le point d’être annon-cée en 1957, l’achat était annulé car l’avion était finalement trop cher et trop spécialisé. Il en résulta une remotorisation des Sabre, en attendant.
Deux ans plus tard, en 1959, l’achat de F-104 semblait à nouveau sur le point d’être signé quand le gouvernement australien porta finalement son choix sur le Mirage IIIE le 15 décembre 1960. Cette même année, les Britannique mettaient fin à l’opération Firedog.
En 1963, l’Indonésie commença à remuer en effectuant quelques opérations militaires contre la Malai-sie. La RAF revint au charbon en détachant quelques unités de combat dont le 20 squadron et ses Hunter. De nombreuses missions air-sol étaient effectuées contres les groupes rebelles infiltrés. Il existait une certaine inquiétude car l’URSS armait l’Indonésie avec, notamment, des MiG 21F, à l’époque bête noire pour les occidentaux. En conséquence, la RAF envoya un escadron de Javelin, l’intercepteur tout-temps. Mais il fallait se rendre à l’évidence : l’avion n’était pas à la hauteur de sa tâ-che. En conséquence, dès 1966, les responsables militaires poussaient le gouvernement afin de dé-tacher des Lightning dans la région. Ce fut chose faite et en juin 1967, les BAC Lightning F6 du 74 squadron « Tiger » se mettaient en place à Tengah, Singapour, pour assurer la défense aérienne de la région. Ce qui expliquait pourquoi le 74 squadron n’était plus présent aux Tiger’s meets dès cette date-là.
Epilogue
Dès le milieu des années 60, le F-104 n’était plus d’actualité de par son obsolescence. D’autres avions apparaissaient en tant que prototypes, préfigurant l’avenir des avions de combat. Dès lors, les avions en service à l’occident se voyaient réactualiser dans leurs équipements en attendant « l’avion de combat idéal ». Fiat- Italie produisit 165 F-104S destinés à l'Armée de l'Air italienne incorporant les améliorations nécessaires à la prolongation de vie. Ces avions étaient équipés du réacteur J79-GE-19 fournissant 8100 kg de poussée avec postcombustion, éliminant ainsi quelques soucis dans tout le domaine de vol dont ont été victimes essentiellement les F-104 allemands. Son autonomie était éga-lement augmentée en raison d’une consommation moindre de carburant. Le F-104S était essentielle-ment un intercepteur tous temps et accessoirement un chasseur-bombardier, et le dernier Starfighter de la lignée.
Lockheed étudia de nouvelles versions du Starfighter comme le CL-901 spécialisé dans la défense aérienne suivi par le CL-981, le CL-984, le CL-1007 et le CL-1010 sont tous équipés de réacteurs J79-19; ils devaient répondre aux besoins de diverses nations comme successeurs des F-104 mais, comme chacun sait aujourd’hui, les européens produisirent des appareils leur permettant une certaine indépendance industrielle… remise en cause dès les années 80 avec les F-16 américains qui rempla-cèrent, d’une certaine manière, l’impact des F-104 et autres F-5… L’histoire est un éternel recommen-cement… comme on peut le constater aujourd’hui où l’islam a remplacé le communisme comme nou-velle pensée universelle.
Jean-Jacques PETIT (janvier 2013)